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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 6

Le mercredi 1er décembre 2021
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 1er décembre 2021

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Déclaration de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le 23 novembre 2021, le Sénat a adopté un ordre indiquant que « le poste de Président intérimaire soit pourvu au moyen d’un scrutin secret de tous les sénateurs qui sera tenu dès que possible, en utilisant le processus établi par le Président pour l’élection du Président intérimaire au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature, les échéanciers pour la session en cours étant ajustés à la discrétion du Président ».

Selon le processus établi la session dernière, l’élection à la présidence intérimaire se tiendra par vote préférentiel.

Un sénateur qui veut se porter candidat pour la session en cours devra communiquer son intérêt par courriel au greffier du Sénat au plus tard à midi le lundi 6 décembre 2021.

Au début de la séance qui suit le lundi 6 décembre, j’annoncerai les noms des sénateurs qui se sont portés candidats. Au lieu de procéder aux déclarations des sénateurs, nous entendrons les candidats pour un maximum de trois minutes chacun, peu importe le temps total requis. S’il y a moins de six candidats, le temps restant pourra être utilisé pour les déclarations habituelles.

Le processus de vote commencera peu après avoir entendu les candidats. Des détails sur le système de vote confidentiel suivront peu avant le début du vote. Seul le greffier pourra avoir accès aux informations concernant le vote. Il ne divulguera ces informations à personne.

Les sénateurs pourront voter jusqu’à 18 heures le jour suivant le début du processus de vote. Cette échéance pourrait être prolongée pour des raisons techniques, au besoin. Lors du vote, les sénateurs classeront autant de candidats qu’ils le désirent en ordre de préférence, en commençant par indiquer le numéro un pour leur premier choix, le numéro deux pour leur deuxième choix, et ainsi de suite. S’il n’y a que deux candidats, les sénateurs seront invités à n’en choisir qu’un seul.

Après le vote, le greffier comptera les votes en privé. Après le dépouillement initial, le candidat ou les candidats qui ont obtenu le moins de votes seront retirés de la liste et ces votes seront distribués au candidat suivant qui est toujours en lice, s’il y en a un. Le processus continuera jusqu’à ce qu’un candidat ait reçu la majorité des votes qui sont toujours actifs. Si, après toutes les distributions possibles, deux candidats ou plus ont obtenu le même nombre de votes, un deuxième tour aura lieu.

Le nom du candidat élu sera annoncé au début de la séance suivant le dépouillement des votes. Une motion proposant que ce sénateur soit nommé à la présidence intérimaire sera ensuite réputée avoir été proposée, appuyée et adoptée, sans débat, amendement ou autre vote. Aucun autre détail ne sera fourni, et le greffier gardera toute information concernant le vote confidentielle.


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, le 25 novembre, nous soulignions la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et le début des 16 Jours d’activisme contre la violence fondée sur le genre. Durant cette période, nous dénonçons cette crise mondiale et ses effets dévastateurs, nous rendons hommage aux victimes et nous renouvelons notre engagement à y mettre fin, une fois pour toutes.

La violence fondée sur le genre est parfois invisible. Elle se cache dans la stigmatisation, dans la honte ainsi que dans la crainte de ne pas trouver le soutien dont on a besoin pour la fuir et pour survivre aux traumatismes qui y sont liés. L’intersectionnalité dans certaines populations fait en sorte qu’elles sont touchées de façon disproportionnée : les femmes noires et autochtones, les immigrantes et les réfugiées, les personnes LGBTQ2+ et celles en situation de handicap sont souvent confrontées à des barrières structurelles et culturelles qui contribuent à les vulnérabiliser.

La pandémie de la COVID-19 a exacerbé cette violence. D’après l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation, au Québec, le nombre de féminicides est passé de 13 à 23 de 2019 à 2020; c’est une augmentation de 77 %. En 2021, jusqu’à ce jour, 18 féminicides ont eu lieu au Québec et 41 en Ontario.

De plus, la pandémie met des freins à l’accès aux soutiens et aux services disponibles pour les personnes fuyant la violence fondée sur le genre. Selon un sondage mené en 2020, les maisons d’hébergement répondent plus difficilement aux besoins des survivantes pendant la pandémie. Le confinement s’est traduit par un isolement accru des femmes exposées à un partenaire violent.

Chers collègues, je reconnais qu’en 2020, le gouvernement du Canada a annoncé un financement de 100 millions de dollars pour lutter contre la violence basée sur le genre. Je l’exhorte toutefois à collaborer étroitement avec les provinces et territoires pour élaborer des stratégies à long terme visant à mettre fin à cette violence. Nous devons investir dans les infrastructures sociales afin de favoriser l’autonomisation des femmes fuyant des situations de violence et créer des conditions propices à leur épanouissement.

Les femmes et les filles ont le droit de vivre dans la sécurité et la dignité. Il est grand temps d’éradiquer la violence à leur égard.

Merci.

[Traduction]

Le Groupe de travail consultatif sur les œuvres d’art et le patrimoine

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, à titre de présidente du Groupe de travail consultatif sur les œuvres d’art et le patrimoine du Sénat, j’attire aujourd’hui l’attention sur les œuvres d’art saisissantes et vraiment significatives qui ont été installées dans l’actuel édifice du Sénat au cours des derniers mois.

Les œuvres qui étaient dans la Salle des peuples autochtones du Sénat ont été remises en place, élargissant la représentation à l’échelle du Canada. Le premier musée au Sénat, où on peut voir des œuvres d’art inuit prêtées par le Musée des beaux-arts de Winnipeg et le Nunavut, est situé dans la pièce B30 de l’édifice du Sénat du Canada. Les œuvres qu’on peut y voir représentent toutes les régions de l’Arctique. Ces deux initiatives s’inscrivent dans le droit fil des objectifs de réconciliation que vise le Sénat.

(1410)

Le second musée honore les artistes canadiens noirs, notamment les Torontois Denyse Thomasos et Tim Whiten, qui ont tous deux été largement acclamés sur la scène internationale au cours de leur carrière. Canadienne d’origine trinidadienne, Mme Thomasos est décédée à un jeune âge. Elle avait enseigné aux États-Unis. Le Musée des beaux-arts de l’Ontario présente actuellement une rétrospective de ses œuvres puissantes qui illustrent le dynamisme du centre urbain et les sensibilités passées et futures de la communauté noire. Quant à Tim Whiten, il est professeur émérite à l’Université York et a participé à de nombreuses collections importantes. À l’instar de Mme Thomasos, il dépeint les réalités passées et actuelles en y ajoutant une profondeur spirituelle.

Ces petits projets ont des répercussions immenses. J’ai été particulièrement émue de la réaction d’un employé de la sécurité — qui a travaillé au Sénat de 1988 à 1998 — face à l’installation inuite. Yisa Akinbolaji a repris les couleurs traditionnelles nigérianes utilisées dans son tableau Stolen Identities, que nous avons vu ici l’an dernier, pour représenter le portrait de Louis Riel dans une forêt de peupliers au Manitoba. Ce tableau a été la source d’inspiration du poème intitulé Pour ton nom de la poétesse et enseignante métisse Ginette Fournier-Richer.

[Français]

Ton nom…

Je l’ai répété encore et encore

mais le silence rouge s’est emparé de toutes ses lettres

Je l’ai crié encore et encore

mais le vent avare a mis mon cœur en sourdine

Je l’ai imploré encore et encore

mais les bras bleus des arbres l’ont laissé glisser sur le sol

Je l’ai murmuré encore et encore

mais ta silhouette effilochée m’a échappé sans merci

Je l’ai gravé encore et encore

mais la pierre a pris les coups sans que rien ne soit écrit

Ton nom…

peine sur peine

perte sur perte

jeté, emmuré, effacé

Ton nom…

Je marche dans la poussière de tes sourires,

de tes larmes, de tes rêves,

de tes mots…

Ton nom…

tremble sur les fougères

qui se penchent vers la lumière

accroché à la promesse d’un peu d’espoir…

Merci à Ginette Fournier-Richer, à tous les artistes, au Musée des beaux-arts de Winnipeg, au Nunavut, à la galerie Olga Korper, à notre sous-comité sénatorial, à la conservatrice Tamara Dolan et à l’équipe qui a installé ces œuvres.

[Traduction]

Le décès de Barbara Ann Trainor

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le décès de ma chère amie Barbara Trainor, qui est morte en septembre à l’âge de 73 ans.

Barbara et moi nous sommes rencontrées au cours de nos études de premier cycle à l’Université Saint Dunstan’s. Nous faisions partie de la dernière cohorte à obtenir un diplôme de cette université, étant donné qu’elle est devenue par la suite l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.

Après avoir obtenu ses diplômes, Barbara a enseigné les mathématiques dans les écoles Queen Charlotte, East Wiltshire et Bluefield. Plus tard, elle s’est jointe au ministère de l’Éducation de l’Île-du-Prince-Édouard et a créé un programme d’enseignement des sciences qui a été utilisé dans toutes les provinces de l’Atlantique.

À la fin de sa vie, Barbara a vraiment fait sa marque dans le bénévolat. Elle était maître jardinière ainsi que juge nationale pour le programme Collectivités en fleurs. Barbara était la représentante de l’Île-du-Prince-Édouard au sein du conseil consultatif des partenaires du Sentier transcanadien et elle était aussi active à l’échelle locale en tant que membre et présidente d’Island Trails.

Elle défendait ardemment la création et le prolongement des sentiers de l’Île-du-Prince-Édouard. En juillet, nous avons fait une promenade agréable sur un prolongement du Sentier transcanadien qu’elle a contribué à réaliser, ce qui est une autre partie de son héritage. Barbara et moi partagions un amour du plein air, du ski et des voyages. Nos intérêts communs ont mené à plusieurs voyages de ski, notamment au Québec, en Alberta, en Utah, en Idaho, dans le Maine et à Sun Peaks, en Colombie-Britannique, où nous avons skié avec l’honorable Nancy Greene Raine, ancienne sénatrice.

Barbara adorait faire de la randonnée, du vélo et du ski. À l’occasion, elle s’est jointe à moi avec bonne humeur dans mes expéditions d’observation des oiseaux, dont un voyage en Afrique.

Une fois rentrée de ses excursions à l’extérieur, elle disait : « C’est bon pour l’âme. »

Barbara Trainor aimait profondément sa famille. Elle et son mari, Cecil Taylor, ont élevé des filles et des belles-filles qui étaient leur raison de vivre. Cecil a participé à de nombreuses activités avec Barbara lorsque celle-ci n’était pas occupée à superviser les mesures disciplinaires de la ligue de hockey junior des Maritimes ou à faire partie de l’exécutif national du Parti conservateur du Canada. Ils ont tous les deux contribué à leur collectivité de tant de façons.

L’œuvre et l’héritage de Barbara à l’Île-du-Prince-Édouard lui survivront pendant de nombreuses années. Qu’elle puisse parcourir des sentiers à jamais. Merci.

[Français]

La Journée mondiale de lutte contre le sida

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, depuis l’apparition du sida, 80 millions de personnes ont été infectées et plus de 36 millions d’individus sont décédés. Aujourd’hui, 38 millions d’individus vivent avec ce virus et de 700 000 à 1 million de personnes en meurent chaque année.

Derrière ces chiffres, des femmes, des hommes, des enfants, des personnes de tous les milieux, de toutes les origines et de toutes les régions du monde meurent ou vivent avec cette terrible maladie.

Il y a 40 ans, le VIH-sida faisait son apparition sur la planète. C’était alors une maladie honteuse, la maladie des autres, la maladie des homosexuels et des utilisateurs de drogues.

Autour de moi, Bernard, Laval, Pierre et tant d’autres meurent en silence, car on ne révèle pas la vraie nature de sa maladie, pour ne pas ostraciser sa famille, pour ne pas être rejeté.

Eh bien, il en est encore ainsi aujourd’hui, chers collègues. Il est encore tabou de révéler sa séropositivité. Malgré l’apparition de la trithérapie en 1996, malgré les avancées scientifiques, malgré le fait que ce soit considéré comme une maladie chronique, un silence règne toujours dans nos communautés. La propagation de ce virus se poursuit, car il n’y a toujours pas de vaccin contre le sida.

Au Canada, en 2019, 2 122 diagnostics de VIH ont été signalés selon les données du rapport de surveillance du VIH. Les groupes d’âge les plus ciblés sont les 30 à 39 ans, suivis des 20 à 29 ans, puis des 40 à 49 ans.

Le plus troublant, chers collègues, c’est que selon les estimations de l’Agence de la santé publique du Canada en 2018, 13 % des personnes vivant avec le VIH ignoraient qu’elles étaient infectées.

[Traduction]

La prévention et l’accès aux médicaments sont essentiels si l’on souhaite éradiquer cette maladie de la surface de la Terre. Toutefois, la pandémie de COVID-19 nous a démontré que si les pays de l’hémisphère Nord n’aident pas véritablement les pays de l’hémisphère Sud à avoir accès aux médicaments, ce souhait ne se réalisera pas. Si nous ne travaillons pas de façon concrète à réduire les inégalités dans le monde, ce souhait ne se réalisera pas.

[Français]

En cette Journée mondiale du sida et en cette Semaine nationale de sensibilisation au sida chez les autochtones, que faut-il faire, honorables sénateurs, pour que le Canada prenne ses responsabilités à l’échelle nationale et internationale et atteigne les cibles qu’il s’est fixées avec l’ONUSIDA afin d’éradiquer cette maladie d’ici 2030?

[Traduction]

Il ne s’agit pas de choisir entre éradiquer la pandémie de sida qui fait rage en ce moment ou se préparer aux pandémies futures. La seule approche fructueuse est celle qui permettra de vaincre sur les deux fronts. À ce jour, nous ne sommes pas près de réussir quoi que ce soit, selon la directrice exécutive de l’ONUSIDA.

[Français]

Le temps est venu de se mobiliser, chers collègues, et d’inviter nos compatriotes à en faire davantage. Le VIH-sida n’est pas une pandémie du passé, c’est une pandémie d’aujourd’hui.

[Traduction]

« Mettre fin aux inégalités. Mettre fin au sida. Mettre fin aux pandémies. » Voilà le thème qui devrait nous inspirer, car personne n’est à l’abri tant que nous ne sommes pas tous à l’abri. Merci. Meegwetch.

[Français]

Les droits de la personne et le développement durable

L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs, il apparaît de plus en plus évident que la pandémie de COVID-19 qui sévit depuis plus d’un an et demi a accru les inégalités partout dans le monde, y compris chez nous.

À la veille de la Journée internationale des droits de la personne, je tiens à souligner le fait que les droits de la personne occupent maintenant une place centrale dans le développement durable.

Plusieurs objectifs pour le développement durable élaborés par l’ONU pour l’an 2030 l’énoncent clairement : l’objectif 3 vise à permettre à tous de vivre en bonne santé et à promouvoir le bien-être de tous à tout âge. L’objectif 6 vise à garantir à tous l’accès à des services d’alimentation en eau et à des services d’assainissement gérés de façon durable. L’objectif 10 vise la réduction des inégalités, et l’objectif 11 veut faire en sorte que les villes et les communautés humaines soient ouvertes à tous, et qu’elles soient sûres, résilientes et durables.

(1420)

Les problèmes d’accès à une eau potable salubre pour les membres des communautés autochtones au Canada sont parmi les situations les plus criantes d’inégalité et de discrimination structurelle qui perdurent. Le nombre d’avis de non-salubrité de l’eau dans les réserves autochtones qui sont toujours en vigueur et les problèmes de contamination de l’eau révélés encore récemment dans les communautés inuites du Nunavut en sont des illustrations évidentes. Le rattrapage nécessaire pour éliminer ces inégalités nous interpelle directement.

Notre engagement, chers collègues, à obtenir que le gouvernement établisse, conjointement avec les communautés autochtones, un calendrier précis et un financement adéquat des infrastructures nécessaires pour assurer ce service essentiel à toutes les communautés autochtones est une question de droit, d’égalité, de justice et de solidarité. Nous devons signifier que l’avenir des communautés autochtones, et la santé et le bien-être de leurs membres sont de la première importance pour nous.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

La crise en Afghanistan

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, ma déclaration fait écho à celle de la sénatrice Ataullahjan de la semaine dernière au sujet de l’Afghanistan, mais je voudrais d’abord profiter de l’occasion pour souligner les efforts et la contribution immenses de Canadiens ordinaires qui aident des Afghans à se mettre en sécurité. Bon nombre de ces Afghans ont prêté main-forte aux troupes, aux diplomates, aux membres des ONG et aux journalistes du Canada et de ses alliés. Même si les troupes canadiennes ont quitté Kandahar en 2014, le pays a laissé derrière de nombreux collègues qui, consciemment ou non, en raison de leur association avec le Canada, ont fait d’eux-mêmes des cibles pour les talibans. Notre obligation morale envers eux est indéniable.

Heureusement, de nombreux Canadiens ont répondu à l’appel, en particulier des vétérans des Forces canadiennes dont d’ex-généraux qui, chaque jour, mettent en lumière la précarité de la vie de ceux que le Canada a laissés derrière. Ces ex-généraux se sont réunis pour identifier les personnes à risque et leur famille et ont mis en place des réseaux de bénévoles pour guider ces personnes et les héberger dans des endroits sûrs et, grâce à des moyens technologiques et des réseaux bien organisés sur le terrain, ils ont planifié l’évacuation souvent périlleuse de ces personnes vers le Pakistan. Ils le font bénévolement avec leur propre argent et des dons. Ils ont réussi à faire sortir des centaines de personnes et beaucoup d’autres encore pourront être évacuées. Ces ex-généraux ont décidé d’agir et ils ont obtenu des résultats, alors que le gouvernement ne fait que parler de processus, de protocoles et de promesses. C’est nettement insuffisant, à mon avis.

Il en va de même pour de nombreuses ONG et organisations médiatiques canadiennes, comme le Globe and Mail, qui travaillent jour et nuit pour sortir leurs collègues afghans du pays. Tout récemment, nous avons entendu parler des efforts héroïques du Rainbow Railroad, une initiative canadienne visant à assurer la sécurité des réfugiés afghans LGBTQ. Ils ont réussi à évacuer des membres de leur communauté à risque vers le Royaume-Uni — vers le Royaume-Uni, chers collègues, et non vers le Canada. Pourquoi? On peut se poser la question.

Je tiens à féliciter ces citoyens courageux et dévoués. Le Sénat et notre nation leur doivent toute leur gratitude. Veuillez vous joindre à moi pour féliciter ces véritables héros et exhorter le gouvernement à travailler avec eux, à suivre leur exemple et à soutenir leurs efforts citoyens. Merci.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses de 2021-2022

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (B)

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2022, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

[Traduction]

Le Code criminel
Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif—Préavis de motion tendant à autoriser certains comités à en étudier la teneur

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier la teneur complète du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail, déposé à la Chambre des communes le 26 novembre 2021, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

2.de plus, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit séparément autorisé à examiner la teneur des articles 1 à 5 du projet de loi C-3 avant qu’il soit présenté au Sénat, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

3.aux fins de cette étude, les comités susmentionnés soient autorisés à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard;

4.sous réserve du prochain paragraphe, au fur et à mesure que les rapports des comités autorisés à examiner la teneur complète ou d’éléments particuliers du projet de loi C-3 sont déposés au Sénat, ils soient inscrits à l’ordre du jour pour étude plus tard ce jour-là;

5.chacun des comités autorisés à examiner la teneur complète ou d’éléments particuliers du projet de loi C-3 soit autorisé à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, tout rapport ainsi déposé étant inscrit à l’ordre du jour de la séance qui suit le dépôt.

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 7 décembre 2021, à 14 heures.

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les juges.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Claude Carignan dépose le projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

(1430)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la séance d’aujourd’hui

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, la séance d’aujourd’hui se poursuive jusqu’à 16 heures, à moins d’être ajournée plus tôt par voie de motion.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Bureau du Conseil privé

Le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, hier, ici même dans cette enceinte, votre prédécesseur a fait un vibrant éloge des réalisations formidables du nouveau Sénat indépendant et des politiques mises en œuvre au sein de notre institution pour tenir compte de la nouvelle indépendance du Sénat. Je comprends fort bien que vous êtes tous les deux très fiers de ce que votre gouvernement a accompli, comme tous les sénateurs qui nous ont précédés dans cette auguste institution sont fiers de ce qui y a été réalisé. Cependant, hier le sénateur Harder a louangé entre autres le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat. Évidemment, je n’ai pu m’empêcher de penser qu’à d’innombrables occasions dans cette enceinte, nous avons demandé au gouvernement d’être franc au sujet des activités de ce comité, mais nous attendons encore des réponses à nos questions.

Comme vous le savez tous, pour des raisons de transparence et de reddition de comptes, le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat a l’obligation de présenter aux contribuables des rapports concernant ses obligations financières et ses activités. Par curiosité, je suis allé sur le site du comité et j’ai constaté que le dernier rapport a été présenté le 5 décembre 2018. Même d’après les normes du gouvernement libéral dirigé par M. Trudeau, force est d’admettre, monsieur le leader du gouvernement au Sénat, qu’il est un peu excessif de ne pas rendre de comptes pendant trois ans.

Ma question est fort simple : pourquoi ce comité n’a-t-il pas publié de rapports redditionnels comme il est tenu de le faire? Le gouvernement a-t-il reçu le moindre rapport de la part de ce comité consultatif au cours des trois dernières années?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je vais m’abstenir de commenter vos propos pour simplement répondre que je n’ai pas de réponse à votre question, ou à vos questions, devrais-je dire. Cela dit, je vais certainement me renseigner.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, nous posons constamment des questions sur les activités du comité et sur son manque de transparence, tant par rapport à ses dépenses qu’aux processus qu’il mène puisque ceux-ci ne sont pas rendus publics.

Monsieur le leader, je dois admettre que le gouvernement est très constant. Il fait constamment preuve d’un manque de transparence lorsque nous posons ces questions toutes simples. Hier, notre collègue, la sénatrice Marshall, a posé une fois de plus une question élémentaire à savoir quand seront déposés les comptes publics et où en est le projet de gestion de la dette. C’était pourtant une question simple. La sénatrice attend toujours une réponse. Aujourd’hui, inspiré du discours du sénateur Harder, je suis contraint à mon tour de poser une question fort simple : où sont les rapports du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat? Cela fait trois ans que nous patientons et posons des questions. Pouvons-nous obtenir transparence et reddition de comptes de la part du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat? Quand ces rapports seront-ils rendus publics?

Le sénateur Gold : Je vais être aussi honnête et transparent que je puisse l’être. Je n’ai pas la réponse. Si je l’avais, je la fournirais, évidemment. Je vais me renseigner, comme je l’ai déjà fait antérieurement, et dès que j’aurai une réponse, je la communiquerai volontiers au Sénat.

Le commerce international

Le bois d’œuvre

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse également au leader du gouvernement au Sénat et il s’agit d’une question que j’ai déjà posée à maintes reprises. Le leader se souvient peut-être qu’en mai, lors d’une période des questions, j’ai parlé des plans du département américain du Commerce, dont l’intention était d’augmenter en novembre ses droits de douane pour les importations de bois d’œuvre provenant du Canada.

La semaine dernière, peu après la rencontre en personne qui a finalement eu lieu entre le premier ministre et le président Biden, les États-Unis sont allés de l’avant et ont doublé les droits de douane, qui sont passés de 8,99 % à 17,9 %. C’est une nouvelle absolument dramatique pour l’industrie forestière de ma province, la Colombie-Britannique, mais aussi de l’ensemble du Canada.

Monsieur le leader, à maintes reprises, j’ai exprimé les préoccupations de l’industrie forestière britanno-colombienne et la nécessité de conclure un accord sur le bois d’œuvre avec les États-Unis. Aujourd’hui, il est malheureusement évident que ce n’est pas une priorité pour le gouvernement Trudeau. J’aimerais simplement savoir pourquoi.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir soulevé la question et d’avoir souligné l’importance de cette industrie dans votre province, dans la mienne et, en fait, dans beaucoup de régions et provinces du pays.

Toutefois, je dois dire en tout respect qu’il est tout simplement faux de prétendre que cette industrie n’est pas importante pour le Canada. C’est tout le contraire. Le Canada a utilisé tous les leviers à sa disposition pour défendre les intérêts de l’industrie et il continuera à le faire. Cette récente décision est extrêmement décevante. Les droits de douane ne sont pas justifiés. Ils nuisent aux travailleurs, aux entreprises et aux collectivités, et ce, dans les deux pays.

Comme mes collègues le savent, la ministre Ng est à Washington en ce moment. Elle discute de ce dossier avec ses homologues. D’après ce que j’ai compris, elle est accompagnée par des députés de tous les partis pour indiquer clairement toute l’importance de la question pour le Canada.

Comme la ministre Freeland l’a dit, le gouvernement du Canada — et je la cite — est prêt à prendre des mesures pour « défendre ses intérêts nationaux ». C’est ce que nous faisons.

La sénatrice Martin : J’allais demander ce qui se passait exactement avec notre dialogue avec les États-Unis parce que vous vous rappellerez sans doute que j’ai cité Katherine Tai, représentante américaine au Commerce, qui a indiqué ceci au comité des finances du Sénat américain au début de l’année :

Pour négocier et conclure un accord, il faut un partenaire. Jusqu’à présent, les Canadiens n’ont pas manifesté d’intérêt en ce sens.

Je suis heureuse d’entendre que la ministre Ng est aux États-Unis, mais je tiens à vous demander, monsieur le leader, si vous pouvez faire rapport au Sénat des conclusions de cette rencontre. Surtout, que fera-t-on pour atténuer les problèmes que nous connaissons actuellement en ce qui a trait au bois d’œuvre? Le doublement des droits de douane est très préoccupant pour l’industrie et pour tout le monde.

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Les Canadiens qui travaillent dans l’industrie et le gouvernement partagent les préoccupations que vous soulevez. Je serai heureux de faire rapport au Sénat et je suis sûr que la ministre le fera aussi dès son retour. Il faut parfois du temps pour mettre en place ou pour décider de mettre en place les processus en jeu ainsi que les leviers et les options à la disposition du Canada. La plupart de ces discussions, surtout celles avec notre principal partenaire commercial, ont lieu loin des projecteurs. Lorsque j’aurai quelque chose à présenter, je serai heureux d’en faire rapport au Sénat.

[Français]

Les finances

L’engagement du Canada à l’égard de la lutte au VIH-sida

L’honorable René Cormier : La Journée mondiale du sida, que nous soulignons aujourd’hui, nous rappelle que cette pandémie qui nous touche depuis 40 ans est toujours bien présente et que des ressources soutenues doivent y être attribuées pour l’éradiquer.

Il y a un an jour pour jour, le 1er décembre 2020, j’ai déposé dans cette Chambre une motion qui a été adoptée par le Sénat et qui exhortait le gouvernement du Canada à évaluer les coûts de mise en œuvre du Plan d’action quinquennal sur les infections transmises sexuellement et par le sang, à fixer des cibles nationales de lutte contre le VIH-sida et à augmenter le financement de l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida au Canada.

Bien sûr, il y a la pandémie de COVID-19, il y a eu les élections. Or, les infections transmissibles sexuellement et par le sang n’ont pas cessé d’exister. Les cibles nationales de lutte contre le VIH-sida sont toujours essentielles à l’éradication de cette maladie et les besoins en financement au titre de la lutte contre le VIH-sida sont plus importants que jamais.

(1440)

Sénateur Gold, quelles actions le gouvernement du Canada entend-il prendre, durant cette 44e législature, pour répondre efficacement aux besoins identifiés dans cette motion?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question, sénateur Cormier. On m’assure que le gouvernement est fermement engagé à en finir avec l’endémie de sida d’ici 2030, et à soutenir les Canadiens et Canadiennes qui vivent avec le sida. En ce sens, le gouvernement investit 87 millions de dollars annuellement pour lutter contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et d’autres infections transmissibles sexuellement ou par le sang. On m’avise également que le gouvernement fournit 30 millions de dollars au moyen du Fonds pour la réduction des méfaits pour prévenir et contrôler le VIH et l’hépatite C. Le gouvernement continue à travailler en étroite collaboration avec les groupes communautaires et les personnes qui ont vécu des expériences par le passé.

Le sénateur Cormier : Merci, sénateur Gold, pour votre réponse. Quel rôle le Canada entend-il jouer sur la scène internationale et quelles mesures concrètes va-t-il prendre à l’échelle internationale pour éradiquer cette maladie d’ici 2030?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour cette deuxième question, cher collègue. Malheureusement, je n’ai pas de réponse à l’heure actuelle quant aux objectifs du gouvernement à ce sujet sur la scène internationale. Je veux toutefois remercier l’honorable sénateur de son engagement continu à l’égard de cet enjeu. Je ferai le suivi auprès du gouvernement et vous communiquerai sa réponse dans les meilleurs délais.

[Traduction]

L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté

L’arriéré de traitement des demandes d’immigration

L’honorable Ratna Omidvar : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement et porte sur le dossier de Raif Badawi, un homme emprisonné en Arabie saoudite depuis 2012 pour des questions politiques. Irwin Cotler, l’ex-procureur général du Canada, milite en faveur de M. Badawi.

Il y a huit mois, la Chambre des communes a adopté une motion demandant au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté d’attribuer la citoyenneté à Raif Badawi, selon le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi sur la citoyenneté, à l’article 5, qui lui permet d’attribuer la citoyenneté à toute personne afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse. Le 3 juin 2021, soit six mois plus tard, le Sénat a adopté la même motion, à l’initiative de la sénatrice Julie Miville-Dechêne. Quand le gouvernement respectera-t-il la volonté des deux Chambres du Parlement en accordant la citoyenneté canadienne à Raif Badawi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice Omidvar, je vous remercie de votre question et de m’avoir avisé à l’avance pour que je puisse m’informer. Malheureusement, je n’ai toujours pas obtenu de réponse.

On m’a assuré que le gouvernement souhaite désespérément que M. Badawi soit réuni avec sa famille et qu’il demeure déterminé à leur offrir le soutien nécessaire. Lorsque le gouvernement me répondra, je communiquerai la réponse au Sénat rapidement.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, sénateur Gold. J’ai hâte de recevoir votre réponse à ce sujet, tout comme M. Cotler.

Je suis consciente que le virus retarde le traitement des demandes de citoyenneté de plusieurs personnes, mais certaines familles attendent depuis deux ou trois ans de recevoir une première réponse d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada alors que nous avons augmenté considérablement le budget de ce ministère l’an dernier, ainsi que dans la Loi d’exécution du budget.

À titre d’exemple, les membres de la famille syrienne que j’ai parrainée en 2016 étaient déçus de ne pas pouvoir voter à la dernière élection fédérale parce qu’ils n’avaient pas encore la citoyenneté canadienne. Le fils de 16 ans, qui a terminé ses études secondaires, espère ardemment se joindre aux Forces armées canadiennes, mais il doit attendre parce qu’il n’a toujours pas sa citoyenneté canadienne.

J’espère que vous conviendrez, sénateur Gold, qu’un pays ne peut que se réjouir d’accueillir de tels réfugiés. Pourriez-vous, je vous prie, vérifier pourquoi il y a des retards dans le traitement des demandes de beaucoup de gens qui aspirent à devenir canadiens?

Le sénateur Gold : Je comprends l’importance de votre question, et je ferai assurément les vérifications nécessaires.

Je suis moi-même le petit-fils d’un immigrant, et bon nombre d’entre nous sont les enfants de parents immigrants. Nous avons bâti ce pays ensemble, aux côtés des Premières Nations, des Inuits et d’autres groupes. Je suis donc tout à fait de votre avis. Je ferai de mon mieux pour obtenir une réponse rapide à votre question.

[Français]

L’emploi et le développement social

La réforme de l’assurance-emploi

L’honorable Diane Bellemare : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, samedi dernier, vous avez peut-être remarqué dans les pages du journal Le Devoir la publicité produite par le Conseil national des chômeurs et chômeuses du Québec. Cette annonce visait à souligner l’urgence de réformer le régime de l’assurance-emploi.

Plus tôt, le 23 octobre dernier, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques publiait un document de recherche sur une proposition de réforme du régime de l’assurance-emploi afin de relever les défis du XXIe siècle. Ces manifestations publiques sont les dernières de nombreuses prises de position de la part d’une multitude d’acteurs représentant le secteur privé, la main-d’œuvre et plusieurs groupes communautaires.

Dans son budget de 2021, le gouvernement fédéral promettait des consultations pour une réforme de l’assurance-emploi. Le budget prévoyait une somme de 5 millions de dollars sur deux ans pour la conduite de ces consultations. Le discours du Trône est toutefois resté muet au sujet de l’assurance-emploi.

Sénateur Gold, où en est le gouvernement dans son projet de réforme de l’assurance-emploi? Où en sont les consultations prévues dans le dernier budget? Pouvez-vous nous fournir une feuille de route précise au sujet des étapes de la consultation publique prévue? Pouvez-vous aussi nous fournir une réponse écrite à cet effet? Je crois que plusieurs groupes en seraient très heureux.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. C’est avec plaisir que je fournirai une réponse écrite lorsque je recevrai l’information. Ma réponse orale sera sans doute quelque peu prévisible, en ce sens que je vais faire des recherches auprès du gouvernement et que je vous répondrai.

J’aimerais souligner que, bien que ce sujet ne figure pas dans le discours du Trône, je suis avisé que le gouvernement reste convaincu que le Canada, les Canadiens et les Canadiennes ont besoin d’un système d’assurance-emploi moderne. Cet enjeu n’a pas été mis de côté à cause de la pandémie de COVID-19 ni à cause des élections.

La sénatrice Bellemare : Comme vous le savez, le Québec fait face à un sérieux problème de pénurie de main-d’œuvre. En septembre, le Québec affichait un taux de postes vacants de 7,3 %, soit 280 000 emplois non comblés. C’est du jamais vu au Québec et ailleurs.

En même temps, le nombre de personnes qui recherchent activement du travail s’élevait à plus de 255 000. Pour s’attaquer à ce problème, le gouvernement provincial a annoncé hier un plan de 3,9 milliards de dollars sur cinq ans qui prévoit des bourses et des allocations pour les personnes souhaitant se former et développer des compétences dans certains secteurs stratégiques.

Sénateur Gold, ne pensez-vous pas que l’assurance-emploi pourrait être mise davantage à contribution pour répondre à ces problèmes?

En tant que représentant du gouvernement au Sénat, vous avez aussi la possibilité de transmettre nos questions au gouvernement. Je veux donc vous faire une petite suggestion. Pourquoi le gouvernement ne mandaterait-il pas le Sénat pour mener des consultations publiques sur l’assurance-emploi dans les provinces? Ces rapports pourraient ensuite être remis au gouvernement en vue d’une réforme du système. Qu’en pensez-vous?

Le sénateur Gold : Merci pour la suggestion. Malgré les opinions divergentes autour de la table, on s’entend sur le fait que le Sénat est de plus en plus indépendant du gouvernement. Cela dit, je serai ravi d’en discuter davantage avec vous, chère collègue, pour voir quel rôle le Sénat peut jouer afin de mettre cet enjeu important sur le radar politique.

[Traduction]

La justice

Le contenu préjudiciable en ligne

L’honorable Pamela Wallin : Sénateur Gold, quand il a vu à quel point ce sujet inquiétait les Canadiens, le gouvernement s’est enfin décidé à organiser ce qu’il a qualifié de « consultations publiques » sur le contenu préjudiciable en ligne. Le projet de loi C-36, qui a été présenté à la dernière législature, faisait aussi partie du plan du gouvernement. Malheureusement, tout s’est fait derrière des portes closes. Le gouvernement s’est même refusé à rendre publics les 300 mémoires et plus qu’il a reçus et le rapport qu’il a finalement produit.

Nous avons pu nous adresser directement à bon nombre de ces groupes. Aucun d’eux n’avait de renseignements commerciaux de nature délicate à protéger, et la plupart d’entre eux ont choisi de rendre eux-mêmes leurs mémoires publics.

Autant les médias libres que la Société Internet se sont montrés extrêmement critiques à l’égard du projet de loi et du processus de consultation lui-même. Ils estimaient que les critères étaient trop pointus et ils craignaient que la campagne électorale ne politise le processus. Il s’agit d’un sujet important, car il aura des répercussions sur l’utilisation que font les Canadiens d’Internet et sur l’avenir de la liberté d’expression.

(1450)

Le rapport du gouvernement sera-t-il rendu public? Les sénateurs pourront-ils l’étudier en comité? Les renseignements commerciaux de nature délicate seraient bien évidemment caviardés.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice Wallin. Elle est importante. J’ignore où en est la publication du rapport et je vais certainement me renseigner.

Comme les sénateurs le savent, le problème du matériel préjudiciable — y compris le matériel haineux — continue de préoccuper grandement le gouvernement. Celui-ci a annoncé son intention de présenter un nouveau projet de loi en temps opportun afin d’exiger que les plateformes de médias sociaux prennent des mesures contre le contenu illégal, comme celui portant sur l’exploitation sexuelle des enfants, et retire celui-ci de leur plateforme. Je pense que nous sommes tous impatients de recevoir ce projet de loi et d’avoir l’occasion de l’étudier.

La sénatrice Wallin : Évidemment, il existe des lois qui traitent de la haine. Voici ma question : si le gouvernement persiste à refuser de rendre publics les documents entourant la consultation, va-t-il au moins tenir compte du fait que plus de 300 mémoires ont invariablement déclaré que le projet de loi était « non libéral » et « d’un totalitarisme effrayant »?

Le sénateur Gold : Le gouvernement est d’avis que tout projet de loi qu’il présente à l’autre endroit ou dans cette enceinte doit se conformer à la Charte des droits et aux valeurs qui nous définissent, à cet égard, comme une société libre et démocratique. Encore une fois, lorsque le projet de loi sera déposé, que ce soit ici ou à l’autre endroit — et j’ignore quand et comment on procédera — nous aurons l’occasion de nous mettre au travail et de l’étudier adéquatement.

[Français]

Le commerce international

Le bois d’œuvre

L’honorable Percy Mockler : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Je vais me diriger dans la même voie que la sénatrice Martin.

Sénateur Gold, plusieurs centaines de milliers d’employés du secteur forestier partout au Canada sont préoccupés par l’insécurité d’emploi qu’entraînent les relations canado-américaines.

[Traduction]

La question que je vais poser au représentant du gouvernement au Sénat aujourd’hui porte sur la décision du département du Commerce des États-Unis d’augmenter les droits de douane sur le bois d’œuvre exporté par ma province, le Nouveau-Brunswick.

Par le passé, le bois d’œuvre des scieries du Nouveau-Brunswick n’a pas été visé par les droits de douane ou les restrictions commerciales imposées par les États-Unis, notamment parce qu’une grande partie de l’approvisionnement en bois des Maritimes provient de boisés et de grands terrains industriels privés.

Sénateur Gold, que fait le gouvernement pour que le bois d’œuvre du Nouveau-Brunswick soit de nouveau exclu des droits de douane exigés par les États-Unis?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne peux fournir de réponse précise sur les discussions en cours à Washington ou sur les échanges qui ont eu lieu entre la ministre et son homologue du Nouveau-Brunswick. Cependant, que ce soit dans le contexte des accords de libre-échange ou des réactions à des mesures injustifiables — notamment celles prises par le passé à l’égard du bois d’œuvre ou les plus récentes visant l’aluminium —, le gouvernement fédéral a toujours travaillé étroitement avec ses homologues provinciaux pour que les points de vue et les intérêts des provinces se reflètent dans les démarches entreprises par le Canada auprès des États-Unis. Je suis convaincu que cette approche sera maintenue à l’égard de cette décision controversée.

Le sénateur Mockler : Sénateur Gold, il faut agir. Je me souviens très bien qu’en juin 2016, dans l’enceinte du Sénat, j’ai eu l’occasion de demander à la ministre Freeland si le gouvernement du Canada allait lutter pour l’exception en faveur des Maritimes. Voilà ce qu’aurait été agir. Au lieu de cela, à l’heure actuelle, le Nouveau-Brunswick n’est pas exempté des tarifs imposés sur le bois d’œuvre par les États-Unis.

Voici ma question pour vous : si vos négociations avec les représentants américains demeurent infructueuses, prendrez-vous des mesures de rétorsion? Votre gouvernement travaille-t-il avec l’administration Biden pour accélérer la mise en œuvre des procédures de l’ACEUM qui visent à protéger le secteur forestier, qui crée des milliers d’emplois partout au Canada et au Nouveau-Brunswick?

Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada sait très bien de quels outils et de quels leviers économiques il dispose. Il s’en servira judicieusement, mais il décidera lui-même du moment opportun de le faire. Nous n’y sommes pas encore. La ministre et les représentants, c’est-à-dire des députés de la Chambre des communes, négocient dans l’espoir de conclure une entente ou un début d’entente. Nous devons donner à la ministre et aux représentants élus le temps de faire leur travail, mais soyez assuré qu’aucune option n’a été écartée.

Les finances

Le remboursement de l’aide financière pour la COVID-19 demandée indûment

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, bien qu’il ait été mis sur pied avec les meilleures intentions, le programme de la Prestation canadienne d’urgence croule sous les problèmes depuis le début. Nous avons tous entendu parler des personnes qui ont obtenu des prestations auxquelles elles n’étaient pas admissibles. Un rapport du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, nous apprend que le crime organisé a sciemment et activement fraudé le programme de la Prestation canadienne d’urgence en présentant de multiples demandes à l’aide d’identités volées.

Nous pouvons tous nous imaginer à quel point cela doit être frustrant pour les contribuables, surtout pour les Canadiens qui doivent franchir de nombreux obstacles afin d’être admissibles à divers autres programmes gouvernementaux.

Sénateur Gold, quelles mesures sont prises pour récupérer cet argent des contribuables auprès des organisations criminelles? Que fait-on pour veiller à ce que les criminels soient punis pour s’être approprié frauduleusement l’argent des contribuables?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Il est inacceptable que le programme de la Prestation canadienne d’urgence ou tout autre programme soit la cible d’abus criminels ou d’abus tout court. Des enquêtes sont en cours et des poursuites seront intentées, le cas échéant.

[Français]

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) affirme qu’il ne sait pas exactement combien d’argent provenant de la PCU est allé au crime organisé. Cependant, le ministère du Revenu national a dit aux médias que des audits sont en cours depuis quelque temps relativement à la PCU.

Monsieur le leader, à la suite de ces audits, combien d’argent de la PCU s’est retrouvé frauduleusement dans les mains du crime organisé, selon le constat de l’Agence du revenu du Canada?

Le sénateur Gold : Je ne connais pas le montant, mais je ferai des recherches et vous reviendrai aussitôt que j’aurai une réponse.

[Traduction]

Le Supplément de revenu garanti

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : À ce sujet, alors que les enquêtes se poursuivent, nous ne savons pas à quel montant pourrait s’élever la fraude — les répercussions pourraient se révéler énormes si on se fie aux témoignages seulement. Pendant ce temps, des aînés à faible revenu qui ont perdu leur emploi et qui ont reçu la Prestation canadienne d’urgence par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada ont un accès différent au Supplément de revenu garanti par rapport aux aînés qui ont demandé des prestations d’urgence au moyen du système d’assurance-emploi. Selon le directeur parlementaire du budget, quelque 90 000 aînés qui ont demandé la Prestation canadienne d’urgence par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada verront une réduction de leurs versements au titre du Supplément de revenu garanti.

Le gouvernement Trudeau n’a jamais dit aux aînés que de recevoir la Prestation canadienne d’urgence pourrait réduire leurs prestations au titre du Supplément de revenu garanti. Sans qu’ils y soient pour quelque chose, ces aînés éprouvent maintenant des difficultés financières. Monsieur le leader, pendant que ces autres enquêtes s’étirent dans le temps, que fait le gouvernement pour corriger le grave problème qu’il a créé pour une partie des personnes les plus vulnérables du Canada, soit les aînés à faible revenu?

(1500)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice Martin.

Le gouvernement sait que, dans ses efforts pour aider tous les Canadiens à surmonter les difficultés liées à la pandémie, des problèmes sont survenus dans la conception et la mise en œuvre des programmes. Il sait aussi que certains aînés ont pâti du rajustement du Supplément de revenu garanti cette année. On m’informe que le gouvernement travaille sans relâche en vue de trouver une solution adéquate et avantageuse pour les Canadiens.

Même si cela va peut-être de soi, je rappelle aux sénateurs que, malgré les lacunes des programmes élaborés et mis en place avec une rapidité et une efficacité exemplaires, le gouvernement, avec l’aide des autres partis et des personnes siégeant dans cette enceinte, a réussi à soutenir notre économie, nos entreprises et nos concitoyens, ce qui nous a permis — et nous permet encore — de très bien résister à la tempête. Je crois que nous devrions tous être reconnaissants d’avoir pu aider les Canadiens de tous les âges.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu propose que le projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c’est avec fierté que je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés), que j’ai déposé au Sénat la semaine dernière.

Ce projet de loi qui me tient à cœur, tout comme le projet de loi S-212, que j’avais déposé lors de la précédente législature, vise à mettre de l’avant une importante recommandation formulée dans un rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.

Ce rapport, qui a été rendu public en mai 2018 et s’intitule Mieux soutenir les jurés au Canada, a formulé plusieurs recommandations, dont la quatrième, qui porte sur l’assouplissement de la règle du secret des délibérations. Cette recommandation dit ce qui suit, et je cite :

Que le gouvernement du Canada modifie l’article 649 du Code criminel afin que les jurés soient autorisés à discuter des délibérations avec des professionnels de la santé mentale désignés une fois que le procès est terminé.

Cette recommandation, faut-il le rappeler, a été appuyée par tous les membres du comité lors de la 42e législature, et ce, peu importe leur allégeance politique. Le rapport a été produit à la suite d’une étude de huit jours sur cette question.

Le 29 octobre 2018, le député de St. Albert—Edmonton, Michael Cooper, a déposé le projet de loi C-417 à l’autre endroit. Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité, puis a été renvoyé au Sénat, mais il est mort au Feuilleton lors de la dissolution du Parlement, en septembre 2019.

Le projet de loi S-206 reprend intégralement les éléments contenus dans le projet de loi C-417 du député Cooper. Je tiens à vous rappeler que ce projet de loi modifie le Code criminel afin de prévoir :

[...] que l’interdiction de divulgation de tout renseignement relatif aux délibérations d’un jury ne s’applique pas, dans certaines circonstances, à la divulgation de renseignements par des membres d’un jury à des professionnels de la santé.

Malheureusement, on constate, presque quatre ans plus tard et pour une quatrième fois, qu’un projet de loi est déposé afin d’éviter que d’honnêtes citoyennes et citoyens, qui investissent leur temps et mettent souvent leur santé en péril pour remplir un rôle majeur dans notre système de justice, deviennent des victimes de ce système de justice qui les empêche d’aller chercher de l’aide, et qui les accuserait même au criminel s’ils le faisaient. Voilà une drôle de façon, me direz-vous, de remercier des personnes qui ne font que remplir un devoir exigé par notre pays.

En effet, l’article 649 du Code criminel prescrit que tout juré qui divulgue, pendant sa vie, tout renseignement relatif aux délibérations du jury, même à un professionnel de la santé mentale, commet une infraction criminelle.

Cet article doit absolument être assoupli pour protéger la santé des hommes et des femmes qui sortent de cette expérience souvent traumatisés par ce qu’ils ont lu, entendu ou vu.

Nous le savons toutes et tous, vouloir protéger la santé mentale des jurés est un dossier qui transcende les allégeances politiques. Ce projet de loi contribuera à rendre notre système de justice plus humain, et il est de notre devoir de le faire progresser afin de limiter la souffrance de ces hommes et de ces femmes qui ne font qu’accomplir leur devoir de citoyens.

Je vous demande, chers collègues, d’accepter de renvoyer le projet de loi S-206 au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles immédiatement après le discours de la sénatrice Moncion, afin que nous puissions l’étudier dans les plus brefs délais et le renvoyer rapidement à la Chambre des communes pour qu’il soit adopté.

Ce projet de loi porte sur un enjeu important, non partisan, et il a déjà été étudié en profondeur à l’autre endroit. Il n’est pas nécessaire de perdre davantage de temps avant de l’adopter.

Comme le disait M. Mark Farrant, président de la Commission canadienne des jurés, un ancien juré qui milite pour les droits des jurés au Canada :

Le devoir de juré est la pierre angulaire de notre système de justice. Les jurés sont souvent exposés à des preuves troublantes et graphiques. Il est juste de dire que le devoir de juré n’a pas suivi le rythme des exigences croissantes de notre monde moderne et ma mission est de demander des changements. Ce projet de loi, qui est un simple amendement au Code criminel, fera une énorme différence pour les jurés qui cherchent de l’aide après la fin de leur procès.

Alors que plusieurs anciens jurés sont devenus ce que j’appellerais des « victimes » de notre système de justice, je trouve inacceptable que ce même système de justice les condamne à la prison du silence en raison de souffrances liées à la santé mentale. C’est tout à fait immoral.

Exercer le rôle de juré lors de procès criminels peut devenir une expérience des plus stressantes dans une vie. J’ai rencontré Mme Tina Daenzer, une ancienne jurée qui a siégé au procès du meurtrier Paul Bernardo. Elle m’a raconté toute la souffrance post-traumatique qui envahit ceux et celles qui ont voulu servir la justice en assumant les responsabilités de juré.

Pensez à ces femmes et à ces hommes qui doivent examiner la preuve lors de procès criminels relatifs à des crimes très violents contre des femmes ou contre des enfants, des meurtres sordides survenus lors de drames familiaux, des agressions sexuelles violentes, des règlements de comptes dans le milieu du crime organisé, et j’en passe.

Il n’existe pas de formation pour préparer adéquatement ces femmes et ces hommes à devenir membres d’un jury. Il n’y a que le hasard qui peut vous appeler à remplir ce devoir très exigeant, un hasard qui fait de vous une victime du système de justice.

Ces expériences troublantes et dévastatrices sont vécues sans accompagnement psychologique, et pire encore, avec l’obligation de garder le silence et de subir ces traumatismes sans avoir le droit de demander de l’aide. Le silence est la prison des victimes.

Les jurés sont livrés à eux-mêmes, plongés sans préavis dans un univers criminogène et macabre au moment d’un procès; ils sont séquestrés et doivent délibérer pendant des jours, puis sont renvoyés chez eux sans soutien ni accompagnement pour reprendre le cours normal de leur vie, comme si rien ne s’était passé.

Voilà précisément ce que le projet de loi vise à modifier en établissant une exception limitée à la règle du secret afin que les anciens jurés qui souffrent de problèmes de santé mentale découlant de leurs fonctions de juré puissent parler de tous les aspects de ces responsabilités à un professionnel de la santé en toute quiétude.

L’intégrité de la règle du secret sera protégée parce que, encore une fois, la divulgation se fera dans un contexte strictement confidentiel, après le procès et auprès d’un professionnel de la santé qui est, lui aussi, lié par le secret professionnel. Cette exception permettra donc aux anciens jurés d’aborder des sujets essentiels avec leur professionnel de la santé afin d’obtenir le soutien dont ils ont besoin et auquel ils devraient avoir droit. Je ne vois pas pourquoi cette modification au Code criminel ne pourrait faire l’unanimité auprès de vous tous, chers collègues.

(1510)

Je suis convaincu qu’il le fera et que notre accord unanime quant à cet amendement proposé dans le projet de loi permettra enfin aux personnes qui pourront s’en prévaloir de prendre soin d’elles adéquatement et en toute légalité.

J’aimerais également souligner que la criminalité est en constante augmentation au Canada et que le système de justice doit faire appel à de plus en plus de jurés. Si l’on consulte le rapport de Statistique Canada sur les homicides, on constate qu’au Canada, en 2020, il y a eu 743 homicides, soit 56 de plus que l’année précédente, et que le nombre de tentatives de meurtre s’élève à 864. Les procès pour meurtres et tentatives de meurtre ne sont pas les seuls crimes qui nécessitent la constitution d’un jury. Toute personne accusée d’une infraction criminelle au Canada peut subir un procès avec un jury.

Par conséquent, en raison de l’augmentation du nombre de procès au pays, nous devons tout faire pour que le projet de loi progresse rapidement au Sénat. Il s’agit d’une urgence nationale pour toutes les personnes qui feront leur devoir de citoyen et les anciens jurés qui nous regardent en ce moment et attendent avec impatience que le Sénat du Canada fasse ses devoirs en adoptant ce projet de loi, pour le renvoyer rapidement à l’autre endroit.

Je tiens à remercier de nouveau la sénatrice Moncion pour son soutien indéfectible et surtout pour sa contribution à cette importante cause qui la touche personnellement, en raison de son expérience comme membre d’un jury. Même si 30 ans se sont écoulés depuis cette difficile expérience, elle continue d’avoir des effets dans sa vie. Nous sommes privilégiés de pouvoir adopter un tel projet de loi qui est appuyé par une des nôtres; c’est la preuve que ce projet de loi a sa raison d’être. Je cite la sénatrice Moncion :

Lors de la dernière législature, tant les juristes, les professionnels de la santé mentale et les députés des deux côtés de la Chambre des communes ont appuyé ce projet de loi, dont le bien-fondé transcende la partisanerie. Considérant l’intérêt que suscite le changement proposé, il m’apparaît essentiel que cette législation chemine au Sénat dans un esprit de collaboration.

Je tiens à remercier la sénatrice Moncion d’avoir humblement partagé son expérience avec nous pour mieux nous sensibiliser à l’importance et à l’urgence d’agir.

Chers collègues, c’est donc avec cette même sensibilité et ce même sens de l’urgence que je vous demande de procéder à l’adoption de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, afin qu’il puisse être étudié rapidement en comité.

Merci beaucoup.

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole du projet de loi S-206, la Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés).

Comme vous le savez, j’ai déjà prononcé deux discours à ce sujet lors de sessions précédentes.

La modification législative proposée par le sénateur Boisvenu bénéficie d’un fort appui qui transcende les allégeances politiques et partisanes. L’amendement proposé à l’article 649 du Code criminel a déjà fait l’objet d’une étude complète au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, et le projet de loi C-417, qui est à l’origine du projet de loi S-206, a également été étudié par ce comité. Cela me permet de militer avec confiance pour l’adoption rapide de cette loi au Sénat.

En 2018, à la lumière de nombreux témoignages d’anciens jurés, de juristes et de professionnels de la santé, le Comité de la justice avait recommandé de créer une exception à la règle du secret du délibéré, la Secrecy Rule.

La règle interdit indéfiniment à un juré de divulguer tout renseignement relatif aux délibérations du jury à quiconque. Cette règle a une portée très large, puisqu’elle inclut tout renseignement qu’un juré pourrait divulguer, ce qui comprend les émotions, les sentiments de frustration, d’impuissance, de peur, de colère et de désarroi, et les pensées négatives qui sont associés aux interactions difficiles avec les autres membres du jury. Le projet de loi aurait pour effet de mettre fin à la souffrance et au silence en permettant aux jurés de divulguer des informations relatives aux délibérations à un professionnel de la santé mentale.

[Traduction]

Je vais maintenant aborder l’objet principal du projet de loi : le bien-être des jurés. D’un point de vue juridique, les jurés forment une catégorie spéciale de gens à qui l’ont refuse des soins complets en matière de santé. Ce projet de loi vise à améliorer la santé mentale des anciens jurés, car la santé mentale de chacun est importante.

Les jurés peuvent être exposés à des éléments de preuve dérangeants. Ils peuvent vivre des situations stressantes lorsqu’ils croisent l’accusé au palais de justice ou dans leurs interactions avec les autres jurés, avec qui ils ne s’entendent pas nécessairement bien ou qui ne partagent peut-être pas leur opinion. Ils peuvent se sentir coupables de ne pas pouvoir en arriver au verdict souhaité par la victime ou sa famille ou devenir eux-mêmes victimes de l’acharnement des médias si, selon l’opinion du public, le verdict rendu ne faisait pas en sorte que la personne lésée ait obtenu justice.

En outre, les jurés peuvent être séquestrés pendant de longues périodes, parfois pendant des semaines. Ils perdent ainsi l’accès à leurs réseaux de soutien et, souvent, se sentent coupables d’avoir à quitter leur conjoint et leurs enfants pendant plusieurs semaines.

Selon M. Patrick Baillie, qui a témoigné devant le Comité de la justice, les recherches montrent que le processus de délibération peut être la partie la plus difficile et stressante du travail de juré et peut causer de l’anxiété, un trouble de stress post-traumatique et la dépression.

Mark Farrant, PDG de la Commission canadienne des jurys et ancien juré, a également témoigné devant le comité. Selon lui, les jurés accomplissent leur devoir de citoyen, mais ne devraient pas avoir à souffrir psychologiquement en retour.

[Français]

Les personnes qui exercent la fonction de juré peuvent développer des troubles d’anxiété, de stress post-traumatique, de dépression ou encore des problèmes dans leurs relations interpersonnelles. Pourtant, l’expérience comme juré omet toutes les considérations qui ont trait au bien-être et à la santé mentale.

J’aimerais vous faire part des résultats d’une étude qui a été effectuée par la Commission canadienne des jurys auprès de groupes de consultation d’anciens jurés qui ont siégé à des procès pour cause de meurtre. Sans être exhaustives, ces quelques informations vous permettront de mieux comprendre ce que leur expérience de juré leur a laissé en héritage, et je cite:

[Traduction]

La plupart des jurés ont affirmé que le juge les avait congédiés sans ménagement.

Presque tous les jurés ont dit qu’il avait été difficile de retourner à la vie normale.

Certains n’arrivent pas à retourner au travail avant des mois ou des années; d’autres quittent leur emploi.

Dans certains cas, il faut des mois, voire une année, avant que les amis et la famille d’un juré aient l’impression que ce dernier a retrouvé un semblant de normalité.

Certains jurés continuent d’être tourmentés et de rejouer le fil de leur participation au procès longtemps après que tout soit terminé.

Nombreux sont ceux qui se sentent isolés et abandonnés et, dans bien des cas, ce sentiment perdure pendant des années.

Il a aussi été question :

[...] d’un manque d’empathie, de sympathie, de compréhension et de considération de la part des collègues de travail, de l’employeur, des amis et de la famille, qui ne peuvent tout simplement pas comprendre l’ampleur de l’expérience vécue.

Dans bien des cas, les jurés croient que cette expérience les aura marqués à jamais et qu’ils ne pourront jamais être comme avant et avoir le sentiment d’être « revenus à la normale ».

Comme l’a affirmé un juré ontarien :

J’étais une épave. Je pleurais. Je pensais que je serais enfin heureux, parce que tout cela était terminé, mais j’étais une épave. C’est comme si tout cela nous rattrapait par après. Ce n’est pas du tout l’expérience à laquelle on s’attend. Je pensais être soulagé, mais je me suis retrouvé avec des émotions qui ont subsisté et avec lesquelles je devais maintenant composer, ce à quoi je ne m’attendais pas. Quant au tribunal [...] vous avez fait votre boulot, allez-vous-en.

[Français]

La règle du secret du délibéré peut carrément empêcher l’obtention de services d’un professionnel de la santé. Mark Farrant, ancien juré et PDG de la Commission canadienne des jurys, souffre d’un stress post-traumatique causé par son expérience comme juré. Avant d’être en mesure de recevoir de l’aide, il s’est fait refuser à maintes reprises les services d’un professionnel de la santé mentale. Mark souffrait en silence et on lui refusait de l’aide systématiquement. Cette situation est profondément injuste et préoccupante.

Avec raison, les professionnels de la santé craignent d’offrir leurs services à d’anciens jurés, sachant que leur client risque d’enfreindre la règle du secret du délibéré et d’écoper d’une peine de six mois de prison ou d’une amende de 5 000 $, ou les deux.

(1520)

Cette expérience, qui est partagée par nombre d’anciens jurés s’étant fait refuser les services de professionnels de la santé, illustre les failles importantes associées à la portée de la règle. Le fait que le Code criminel crée un régime de négation de droit à des services de santé essentiels est grandement problématique.

Comment les jurés peuvent-ils gérer leur santé mentale adéquatement lorsque la dernière instruction donnée par le juge consiste à leur rappeler qu’ils ne peuvent parler des délibérations à personne?

Nos tribunaux créent des victimes, les jurés, en plus de les dépouiller des moyens qui leur permettraient de remédier aux préjudices qu’ils ont subis dans le cadre d’une obligation civique. Les principaux acteurs du système de justice, comme les enquêteurs, les juges, les avocats ou les greffiers, ont, pour leur part, accès à des programmes d’aide psychologique. Pourtant, rien n’est offert aux jurés.

La nature de la règle elle-même restreint l’étude de ses conséquences sur la santé mentale de l’individu. L’immensité du fardeau de la cause des jurés repose donc presque exclusivement sur les épaules des principaux concernés. Les juristes s’entendent pour dire que la règle du secret du délibéré peut être modifiée pour prévoir une exception bien précise, sans que son essence ou sa fonctionnalité soient compromises pour autant.

Le juge Lamer, dans le rapport de la commission d’enquête publié en 2006, avait identifié les principes suivants : la promotion de discussions franches entre les jurés, la protection des jurés contre le harcèlement, la censure et les représailles des personnes condamnées ou de leurs proches et le caractère définitif du verdict.

En ne s’appliquant qu’après les délibérations, l’exception à la règle proposée dans cette législation est conforme aux principes identifiés par le juge Lamer dans son rapport. Le projet de loi S-206 offre ce juste équilibre tant recherché.

La professeure Vanessa MacDonnell, membre de la Criminal Lawyers’ Association, qui a témoigné devant le comité, soutient elle aussi que l’introduction d’une exemption bien circonscrite ne viendrait miner d’aucune manière les principes sous-jacents à la règle du secret du délibéré.

L’État de Victoria, en Australie, pionnière en la matière, a inscrit une telle exception dans sa législation. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne s’est inspiré du cas de Victoria lorsqu’il a mis de l’avant cette recommandation. Le rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l’autre endroit a reconnu d’emblée que la réglementation des jurys est un domaine de compétence que l’on attribue a priori aux provinces et aux territoires en matière d’administration de la justice.

Pour faire une réelle différence, le projet de loi proposé devrait être accompagné d’autres mesures visant à venir en aide aux jurés au Canada. Une approche concertée, qui prône la collaboration entre les différents ordres de gouvernement et les organismes compétents, est de mise.

Nous devons nous efforcer de mettre en œuvre toutes les recommandations du rapport Mieux soutenir les jurés au Canada. Ce rapport dresse le tableau d’une réforme intégrale des jurys au pays. Je vous invite, chers collègues, à y jeter un coup d’œil.

Je pense notamment à la troisième recommandation du rapport de l’autre endroit, qui évoque l’organisation de séances de débreffage après les délibérations. Le gouvernement fédéral pourrait, de sa propre initiative, offrir du financement au moyen de son pouvoir de dépenser afin de soutenir l’administration de programmes provinciaux et territoriaux dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du rapport.

Le gouvernement fédéral pourrait également octroyer des fonds à des organismes qui ont pour mission de veiller à la santé mentale des jurés, afin qu’ils aient les moyens de mettre en œuvre ces recommandations. Ce rapport mérite l’attention du gouvernement et des parlementaires, car on en a encore fait trop peu à ce sujet.

La pandémie a exercé et continue d’exercer une pression psychologique inédite sur les différents acteurs clés du système de justice, y compris les jurés. Malgré cette pression, les droits inhérents à l’administration de la justice continuent d’exister. Le droit des accusés d’être jugés dans un délai raisonnable en vertu de l’alinéa 11b) de la Charte demeure, et le fait d’arriver à un verdict dans un délai raisonnable est crucial pour les victimes d’actes criminels et pour la sécurité publique.

[Traduction]

L’arrêt Jordan, un jugement rendu par la Cour suprême dans l’affaire R c. Jordan, fixe le délai dans lequel il faut tenir un procès. En raison de la pandémie de COVID-19, de nombreux cas ont dépassé les délais de 18 et 30 mois qui sont prévus dans l’arrêt Jordan, car les tribunaux ont estimé que le retard était justifié par l’exception prévue pour des « circonstances exceptionnelles ».

Étant donné que nous sortons de la pandémie pour entrer dans ce que beaucoup de gens qualifient de crise de santé mentale où de nombreuses personnes sont également confrontées à des difficultés socioéconomiques en raison des taux d’inflation qui font en sorte qu’il est difficile de joindre les deux bouts, nous pouvons prédire que le devoir de juré ne sera pas une priorité pour les Canadiens. L’opinion publique et le manque possible de volonté d’exercer les fonctions de juré finiront par nuire au fonctionnement du système judiciaire si des questions comme le bien-être des jurés ne sont pas abordées en temps opportun.

Une jeune propriétaire d’entreprise a informé mon mari qu’elle avait été convoquée comme jurée. J’ai avisé mon mari de lui dire de trouver un moyen de s’en sortir. Elle est propriétaire d’une entreprise et elle ne peut pas se permettre de faire partie d’un jury pendant une longue période.

[Français]

Selon un sondage mené par la Commission canadienne des jurys, les Canadiens ont accordé une cote moins élevée à la fonction de juré qu’au don de sang ou au bénévolat au sein de la collectivité sur le plan de l’importance civique. Ces opinions sont le résultat de décennies de sous-investissement dans les fonctions de juré partout au pays et d’un régime législatif inadéquat qui ne veille pas au bien-être psychologique des jurés pendant et après un procès criminel.

Les parlementaires ont le devoir, envers les personnes accusées et les victimes d’actes criminels, mais aussi envers le public pour assurer sa sécurité, de fournir le soutien nécessaire aux tribunaux. Ce devoir commence par le fait de porter une attention particulière au bien-être des jurés.

Force est de constater que le projet de loi S-206 s’attaque à un problème qui dépasse la partisanerie, c’est-à-dire la santé mentale des jurés au Canada. Outre le fait qu’il s’agit d’un devoir civique essentiel à l’exercice des droits fondamentaux de l’accusé et au bien-être des victimes, la formation d’un jury constitue une façon d’apporter la perspective des membres du public dans l’engrenage du système judiciaire.

Actuellement, les jurés deviennent des victimes collatérales du système de justice et le Code criminel perpétue leurs souffrances. L’exercice de la fonction de juré ne devrait toutefois pas se faire au détriment de la santé mentale des citoyens qui y sont convoqués. À cause de mon expérience, je peux vous assurer que ce projet de loi est absolument nécessaire et essentiel pour les anciens jurés qui souffrent en silence. Comme l’a mentionné le sénateur Boisvenu, en 1989, alors que j’étais mère de deux jeunes enfants et que j’étais sur le marché du travail, j’ai été convoquée pour exercer la fonction de juré lors d’un procès pour meurtre au premier degré. J’ai passé presque deux mois à la cour. Le procès s’est terminé un samedi. Le lundi suivant, j’ai pris l’avion pour me rendre à Val Gagné, dans le Nord de l’Ontario, pour faire la conversion informatique d’un système bancaire. Je reprenais ma vie, là où je l’avais laissée deux mois plus tôt. Je n’étais plus la même.

À la suite de ce procès, j’ai souffert du syndrome de stress post-traumatique, une condition qui a eu des conséquences dans toutes les sphères de ma vie, y compris au sein de ma famille.

[Traduction]

La santé mentale était auparavant stigmatisée et constitue une réalité nouvelle dans l’arène politique. Maintenant, nous ne connaissons que trop bien les séquelles psychologiques dont souffrent les jurés lorsqu’ils font leur devoir, et nous ne pouvons pas y rester insensibles.

Je tiens à vous avertir, honorables sénateurs, que la prochaine partie de mon discours contient des détails choquants.

Songez un instant à votre réaction si on vous montrait des images explicites d’un enfant de 6 ans attaché à une chaise avec du ruban à conduits, ce même ruban lui couvrant le visage et le nez, et que vous appreniez ensuite que cet enfant sous-alimenté est mort d’asphyxie? Comment réagiriez-vous au sujet de cette fillette de 8 ans, violée puis assassinée à coups de marteau? Que diriez-vous après avoir regardé des vidéos de deux filles de 14 et 16 ans se faisant violer à répétition, puis vu des photos de leur corps abandonné dans un fossé?

Maintenant, essayez de rationaliser tout cela et de vous demander pourquoi de telles choses se sont produites. Qui fait de telles choses? Comment quiconque peut-il être assez maléfique pour même songer à faire cela à une autre personne?

En entrant dans le tribunal, vous êtes une bonne personne. On vous confronte à des atrocités. Vous savez quoi? Cela ne vous quitte plus. Chaque fois que vous entendez parler d’un meurtre, vous serrez les dents. Vous vous souvenez. Je pourrais continuer, mais je suis persuadée que vous avez saisi.

(1530)

La loi du silence ne tient plus et il faut modifier la règle du secret.

Chers collègues, le projet de loi S-206 n’est pas un projet de loi du gouvernement. C’est un projet de loi d’intérêt public du Sénat qui a fait l’objet d’un examen approfondi à la Chambre des communes et qui bénéficie d’un vaste appui parmi les députés, les versions antérieures de cette mesure ayant été adoptées à l’unanimité.

Il faut maintenant renvoyer ce projet de loi au comité sénatorial afin qu’il y soit étudié, renvoyé ici et adopté, puis renvoyé à l’autre endroit le plus rapidement possible.

[Français]

Puisque ce projet de loi a été déposé au Sénat pour la quatrième fois, j’espère sincèrement que cette fois-ci est la bonne et qu’il sera adopté au Sénat et à la Chambre des communes dans les meilleurs délais.

Madame la Présidente, chers collègues, appuyer le projet de loi S-206 nous permettra d’aider les Canadiennes et les Canadiens appelés à exercer leur fonction de juré à mieux vivre et survivre à ce devoir civique. Discutons de la question dès maintenant et renvoyons ce projet de loi au comité pour qu’il soit étudié. Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je voudrais participer au débat pendant quelques secondes pour souligner que le sujet dont nous discutons ici est très important. Je voudrais également féliciter le sénateur Boisvenu, le parrain de ce projet de loi, ainsi que la sénatrice Moncion, qui a décrit l’expérience qu’elle a vécue comme membre d’un jury. J’aimerais ajouter quelques commentaires et je vais donc ajourner le débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Dalphond, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi de l’impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’honorable Ratna Omidvar propose que le projet de loi S-216, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (utilisation des ressources d’un organisme de bienfaisance enregistré), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-216, Loi sur l’efficacité et la responsabilité des organismes de bienfaisance. Ce projet de loi avait été étudié par le Comité des finances lors de la dernière législature, et le Sénat l’avait adopté sans amendement en juin dernier. Je dis cela parce que je le présente à nouveau, dans la même version que lors de la législature précédente, dans l’espoir que mes honorables collègues l’appuient encore une fois.

Le sénateur Plett, qui a été le porte-parole du projet de loi à la deuxième lecture, avait déclaré ceci : « Le projet de loi se fait attendre depuis longtemps. » Même s’il était le porte-parole de l’opposition, il s’était dit très favorable à cette mesure législative.

Pour ceux qui, comme moi, ont la mémoire défaillante, je me permets de vous faire un résumé.

Ce projet de loi modifie la Loi de l’impôt sur le revenu qui prévoit actuellement que les organismes de bienfaisance enregistrés doivent dépenser leurs dons pour leurs propres activités seulement. Les organismes de bienfaisance peuvent, bien évidemment, faire des dons ou verser des subventions à d’autres organismes de bienfaisance, mais, autrement, le libellé actuel de la loi les empêche de consacrer leurs ressources à des activités qu’elles ne mènent pas elles-mêmes.

Cependant, à mon avis, surtout dans la situation actuelle, nous sommes tous d’accord pour dire que, dans certains cas, la meilleure façon pour un organisme de bienfaisance de jouer son rôle, c’est de collaborer avec des organismes d’autres types, comme les groupes à but non lucratif, les entreprises sociales, les coopératives, les groupes de la société civile et même les entreprises, qui sont sur le terrain et qui peuvent s’avérer les meilleurs partenaires pour obtenir les effets escomptés. Honorables sénateurs, c’est vrai pour les organismes de bienfaisance qui travaillent au Canada et à l’étranger.

Voici un exemple. La dernière fois que j’ai pris la parole, j’ai donné l’exemple du YWCA, qui est encore bon. Le YWCA reçoit des dons de bienfaisance des Canadiens et de fondations. Il peut verser ces sommes sous la forme de subventions à d’autres organismes de bienfaisance ou les utiliser pour mener ses propres projets et programmes. Cette approche est justifiée par la nécessaire reddition de comptes en ce qui concerne les dons de bienfaisance exemptés d’impôt. Jusque-là, tout va bien; personne ne mettra en cause l’importance de la reddition de comptes.

Cependant, qu’arrive-t-il si le YWCA, les Guides du Canada ou Grands Frères Grandes Sœurs veut travailler, disons, vu le contexte, avec des Afghanes qui parlent peu ou pas l’anglais pour les aider à acquérir des connaissances en matière de finances ou de leadership? En l’occurrence, la meilleure solution pourrait être de travailler avec un groupe local de femmes afghanes, qui pourrait ne pas être un organisme de bienfaisance, mais plutôt un organisme sans but lucratif ou même un groupe de personnes.

Dans ce cas, puisque la Loi de l’impôt sur le revenu prescrit que les organismes de bienfaisance doivent consacrer leurs dons de bienfaisance à leurs propres activités, les lignes directrices de l’Agence du revenu du Canada sur cette loi s’appliquent. L’agence précise que, lorsque les organismes de bienfaisance versent des dons de bienfaisance exemptés d’impôt à d’autres types d’organismes, ils doivent maintenir la direction et le contrôle de tout le travail qu’ils effectuent ensemble afin que les activités menées par l’organisme non caritatif soient considérées théoriquement comme des activités de l’organisme de bienfaisance. L’Agence du revenu du Canada cherche ainsi à assurer la conformité avec la loi.

Terrance Carter a comparu devant le comité cette année ou l’an dernier, je ne sais plus exactement. C’est un avocat très connu, spécialiste des organismes de bienfaisance. Voici ce qu’il a dit au Comité des finances :

Cette méthodologie est désuète, peu pratique, inefficace, indûment coûteuse et impopulaire, et elle ne remplit pas les objectifs de la [Loi de l’impôt sur le revenu]. Cette exigence est fondée sur une fiction voulant que tout ce qu’un organisme de bienfaisance fait en passant par un intermédiaire doit être structuré comme s’il s’agissait des activités de l’organisme de bienfaisance lui-même [...]

C’est le cas même lorsque toutes les parties en cause savent qu’il s’agit, en réalité, des activités d’un tiers. Selon les avocats spécialistes des organismes de bienfaisance, il s’agit d’une fiction juridique. Ce sont les faits, chers collègues. Tout cela peut sembler passablement technique, mais il y a des impacts démesurés pour les organismes de bienfaisance. Vous m’entendrez parler de l’expression « propres activités » de la loi et de « direction et contrôle » en ce qui concerne les directives énoncées par l’Agence du revenu du Canada.

Ces quatre mots — propres activités, direction et contrôle — ont des incidences à grande échelle pour les organismes de bienfaisance et déterminent avec qui ils peuvent travailler et de quelle manière, ce qui a pour effet de limiter l’étendue de l’offre caritative possible.

Le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance, présidé par le sénateur Mercer, dont le rapport a été adopté à l’unanimité par le Sénat l’an dernier, a conclu que cette approche, qui vise à assurer la reddition de compte quant aux sommes libres d’impôts dans le secteur de la bienfaisance, est coûteuse, inefficiente et incompatible avec les valeurs contemporaines d’établissement de partenariats égaux, d’inclusion et de prise de décision par les instances locales.

Le comité a donc recommandé de délaisser cette approche, ainsi que les expressions « propres activités » et « direction et contrôle » et de passer à un nouveau régime qui sera meilleur, plus efficace et plus efficient, sans toutefois sacrifier les mesures relatives à la reddition de comptes.

Le secteur caritatif — et j’entends par là les nombreux organismes de bienfaisance répartis dans tout le pays et œuvrant au Canada et à l’étranger — appuie sans réserve cette recommandation. Ce sont notamment Imagine Canada, la plus grande organisation sectorielle d’organismes de bienfaisance du Canada; Coopération Canada, l’organisme-cadre, au Canada, qui regroupe les organismes de bienfaisance engagés dans le développement international; le Canadian Centre for Christian Charities; Centraide Canada; ainsi que 37 des meilleurs avocats spécialisés dans le secteur caritatif au Canada. Ces derniers ont demandé le mois dernier un changement à cette loi dans une lettre ouverte.

Pas plus tard que la semaine dernière, le comité consultatif sur le secteur caritatif pour le ministère du Revenu national a déposé son propre rapport, qui souligne lui aussi l’urgence de retirer de la loi les termes d’« activités propres ». Beaucoup de gens m’ont dit que, des 42 recommandations se trouvant dans le rapport du Comité sénatorial sur le secteur de la bienfaisance, c’est celle qui devrait être mise en œuvre sans tarder.

(1540)

C’est donc en quelque sorte au nom du secteur que je vous présente aujourd’hui cette mesure législative, honorables collègues.

Je tiens aussi à profiter de l’occasion pour rappeler que ces règles juridiques constituent l’illustration parfaite du racisme systémique dont sont empreintes les lois canadiennes. Comme nous l’avons vu chaque fois que le Sénat a traité de racisme, le racisme systémique est difficile à détecter. Il est profondément ancré dans nos traditions. Bien souvent, il n’est dirigé — consciemment ou non — contre personne en particulier. Il est inconscient. Même s’il se tapit dans les coins les plus sombres des institutions, le racisme systémique a un effet démesuré sur certains groupes marginalisés.

Les choses n’ont pas toujours été ainsi, vous savez. Cette disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu a vu le jour dans les années 1950, et elle n’a jamais été revue depuis. Au départ, elle a été créée afin que les organismes caritatifs et les fondations ne puissent pas se transférer des fonds entre eux et verser dans le délit d’initiés. Elle a malheureusement eu comme conséquence de juguler la coopération et la collaboration et d’obliger les organismes caritatifs à se comporter de manière contrôlante et oppressive pour se conformer à la loi ou simplement faire leur travail, c’est-à-dire répandre le bien autour d’eux.

Chers collègues, je vais vous donner quelques précisions. Je sais que tout cela est plutôt technique et que quelques exemples vous mettront en contexte.

J’aimerais d’abord parler des répercussions de cette loi sur les organisations et les agents de changement autochtones qui ne sont pas des organismes de bienfaisance. La déconstruction du concept du racisme par rapport aux communautés autochtones que la sénatrice McCallum nous a proposée hier devrait mettre les choses en contexte.

Dans la plupart des cas, les organisations autochtones qui ne sont pas des conseils de bande ou toute autre forme de gouvernement local ne sont pas des organismes de bienfaisance enregistrés. Ainsi, la seule façon pour elles d’obtenir des dons de bienfaisance est de conclure une entente très compliquée et onéreuse avec un organisme de bienfaisance, qui joue le rôle d’intermédiaire.

Nul besoin de vous dire ce que signifient les termes « direction » et « contrôle » pour les organisations autochtones et les peuples autochtones. Toute propriété intellectuelle découlant de cette entente appartient exclusivement à l’organisme de bienfaisance et non à l’organisation autochtone. Toutes les déclarations publiques, y compris les communiqués de presse, doivent être approuvées par l’organisme de bienfaisance assurant le financement. Chaque poste budgétaire doit être approuvé et réapprouvé par l’organisme de bienfaisance. L’organisation sans vocation de bienfaisance peut être tenue de fournir des reçus et des photographies, de se soumettre à des inspections sur place, de fournir des procès-verbaux de réunions et des comptes rendus écrits de décisions, et cetera. Tout document juridiquement contraignant doit être signé par l’organisme de bienfaisance, y compris les baux, les contrats, et ainsi de suite.

Il arrive même que l’organisme de bienfaisance en question exige des changements de personnel. Chers collègues, il ne s’agit pas ici d’un partenariat, mais bien d’une prise de contrôle.

Il n’est donc guère surprenant que de nombreux organismes de bienfaisance hésitent à financer des organismes autochtones, surtout en raison de la complexité de ces règles et de la volonté de ne pas offenser les peuples autochtones. Nous savons que très peu de subventions sont offertes pour les groupes et les causes autochtones. Selon une étude récente, des quelque 10,6 milliards de dollars en financement offerts par année dans l’ensemble du pays, les groupes autochtones n’en reçoivent qu’un demi-point de pourcentage. J’ai bien dit un demi-point de pourcentage, honorables collègues. Il n’est pas surprenant que bon nombre de partenaires autochtones considèrent la loi et son application comme un autre exemple de racisme systémique parmi tant d’autres.

La même situation se produit dans le cas des personnes marginalisées en raison de leur race. C’est exactement le même contexte.

La dernière fois, j’ai parlé d’un autre organisme bénévole formidable, le Black Daddies Club, qui se trouve dans ma ville, Toronto. Cet organisme vise à contrer l’image du père noir absent qui est largement véhiculée dans les médias. Il aide les jeunes hommes à devenir de meilleurs pères, mais comme ce n’est pas un organisme de bienfaisance, il doit composer avec les mêmes problèmes s’il veut travailler avec des organismes de bienfaisance. Il doit donc conclure des ententes complexes et coûteuses, il doit accepter à l’occasion que ses membres soient engagés comme employés de l’organisme de bienfaisance, et comme dans tous les autres accords, il doit céder à l’organisme de bienfaisance les droits de propriété intellectuelle liés au projet.

Comme vous pouvez le constater, chers collègues, cette loi compromet tous les partenaires, tant les organismes de bienfaisance que les organismes sans vocation de bienfaisance. En effet, l’organisme de bienfaisance doit assumer toutes les responsabilités associées à la gouvernance fiduciaire et aux ressources humaines, de même que l’ensemble des obligations et des risques connexes. De son côté, l’organisme sans vocation de bienfaisance doit céder le contrôle du projet à l’organisme de bienfaisance. Personne n’est gagnant dans ce scénario. Tous s’en trouvent amoindris.

Enfin, j’aimerais vous parler de plusieurs organismes de bienfaisance canadiens qui œuvrent à l’étranger et pour lesquels ce genre de travail est une réalité quotidienne. Certains organismes de bienfaisance canadiens apportent leur aide dans des endroits très éloignés dans le monde et ils fournissent des services de santé, d’éducation et de logement, entre autres. Beaucoup de sénateurs versent sans doute des dons à ces organismes de bienfaisance. Cependant, pour se conformer à la loi, ils doivent eux aussi se livrer à toutes sortes de contorsions. Ils doivent parvenir à des accords intermédiaires, ce qui est excellent, mais ils doivent ensuite montrer que ce sont eux qui ont les commandes d’un projet qui se réalise à des milliers de kilomètres de distance. Cela implique non seulement des frais juridiques, mais aussi des coûts élevés de formation sur le droit canadien, qui comprennent des documents énonçant les politiques, des protocoles et des processus distincts.

À titre d’exemple, j’aimerais citer le travail de la Bourse du Samaritain. Cet organisme gère un programme de 300 000 $ au Népal pour fournir des services de santé essentiels à des enfants dans cette région. Cette somme semble presque négligeable ici, mais elle est énorme au Népal. Cet organisme a sept partenaires qui l’aident à accomplir ses activités de bienfaisance. Pour se conformer aux exigences de l’Agence du revenu du Canada, la Bourse du Samaritain est tenue d’avoir un contrat de mandat distinct avec chaque partenaire. Pour ce faire, les organismes doivent soumettre chacun leurs états financiers, 22 paiements périodiques, et 38 rapports distincts. Étant donné qu’il y a sept organismes, le processus est sept fois plus compliqué que nécessaire.

Des organismes de bienfaisance m’ont indiqué que les risques, le fardeau administratif et les obligations sont trop importants pour eux.

De plus, les organismes de bienfaisance du Canada ne peuvent pas mettre leurs fonds en commun avec ceux d’autres organismes dans des pays étrangers aux vues similaires. Ces derniers peuvent mettre leurs fonds en commun dans un même but caritatif et ainsi améliorer l’efficience de leurs travaux, mais les organismes canadiens ne peuvent pas participer à ces fonds communs, car il leur est impossible d’exercer des fonctions de direction et de contrôle sur un fonds commun.

Gloria Novovic de Coopération Canada a expliqué en ces termes au Comité des finances les conséquences pour les organismes de bienfaisance internationaux :

On peut comparer le problème à un feu de circulation en panne. Dans les pays semblables au Canada, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres, on utilise toujours le feu jaune, c’est-à-dire : avancer prudemment. Les partenaires, qui se sont soumis à des contrôles de diligence raisonnable comme ceux prévus dans le projet de loi, peuvent poursuivre leurs activités en faisant des rajustements opérationnels et tenant compte du contexte. Ensuite, ils rendent des comptes sur leurs efforts et expliquent comment ils ont utilisé les fonds pour atteindre des fins de bienfaisance très précises. […]

Pour les organismes de bienfaisance canadiens, ce feu rouge les empêche de conclure des partenariats très novateurs et de collaborer avec d’autres pays donataires qui ne veulent pas être obligés de se conformer à des dispositions législatives vieilles de 70 ans. Fait plus important encore, cela freine depuis toujours la participation des communautés marginalisées, par exemple les communautés autochtones, noires et racialisées […]

Chers collègues, j’ai décrit le problème. Je vais maintenant essayer de décrire la solution. Cependant, avant de le faire, je vais répondre à une question que mes sages collègues me poseront sans doute. Pourquoi tous ces organismes ne deviennent-ils pas simplement des organismes de bienfaisance? La réponse n’est pas simple. D’abord, les groupes à l’étranger ne seront pas admissibles au statut d’organisme de bienfaisance canadien parce que les organismes doivent résider sur le territoire canadien pour y être admissibles. Ensuite, les coopératives et les entreprises sociales ne sont pas admissibles parce que leur vocation n’est pas exclusivement axée sur la bienfaisance. Les mouvements sociaux spontanés, comme Black Lives Matter, ne sont pas admissibles parce que ce ne sont pas des organisations à proprement parler, mais bien des mouvements.

Concernant les organismes sans but lucratif, qui représentent le gros de ce dont je parle, un grand nombre d’entre eux ne sont pas considérés comme des organismes de bienfaisance étant donné que la reddition de comptes qui accompagne cette désignation est hors de leur portée. Le Black Daddies Club, par exemple, est un tout petit regroupement de bénévoles qui n’ont pas la capacité de gérer le statut d’organisme de bienfaisance, mais cette loi devrait-elle leur interdire d’entrer dans le milieu des biens publics?

(1550)

Finalement — et c’est un enjeu que nous avons entendu à maintes reprises lors des séances du Comité sénatorial sur le secteur de la bienfaisance —, comme la définition de la bienfaisance au Canada n’a pas évolué depuis son inscription dans la loi, nous sommes pris à l’époque élisabéthaine. Les quatre critères de la bienfaisance sont encore les mêmes aujourd’hui : le soulagement de la pauvreté, l’avancement de l’éducation, l’avancement de la religion ou d’autres fins. D’autres pays, comme l’Australie, ont modernisé leur définition de ce qu’est la bienfaisance. D’ailleurs, selon le rapport sénatorial sur le secteur de la bienfaisance, il est urgent de permettre l’évolution de la définition de la bienfaisance. D’ici à ce que ce soit fait — et je ne suis pas certaine que ce sera le cas —, nous devons nous accommoder de la vieille définition à laquelle ne correspondent pas de nombreux organismes que j’ai mentionnés.

Quelle serait donc la solution? Je propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu de manière à délaisser la notion de « propres activités » pour parler plutôt d’« utilisation responsable des ressources ». Le projet de loi que vous avez sous les yeux est très simple, malgré sa longueur et son apparente complexité. Il accomplit trois choses.

Tout d’abord, il remplace les références aux « activités de bienfaisance qu’elle mène elle-même » par « activités de bienfaisance ». Comme cette notion des « propres activités » revient à de nombreuses reprises dans la loi, le projet de loi est long, mais 90 % de son contenu porte sur ce changement.

Ensuite, il modifie un article de la loi de manière à élargir la définition d’« activité de bienfaisance » afin que les organismes de bienfaisance puissent utiliser leurs ressources à des fins de bienfaisance s’ils prennent des mesures raisonnables.

Enfin, il explique le sens des « mesures raisonnables », soit :

a) d’une part, avant de mettre les ressources à la disposition d’une personne qui n’est pas un donataire reconnu, a recueilli auprès de celle-ci des renseignements — notamment sur son identité, son expérience et ses activités — suffisants pour convaincre une personne raisonnable que les ressources seront utilisées à des fins de bienfaisance;

b) d’autre part, au moment de mettre les ressources à la disposition de cette personne, a pris des dispositions — mesures, restrictions ou conditions — suffisantes pour convaincre une personne raisonnable que les ressources seront utilisées à des fins de bienfaisance.

D’autres articles portent sur les examens et sur l’entrée en vigueur.

Cette approche amène les organismes de bienfaisance à axer leurs efforts sur la prise de mesures raisonnables et adéquates pour faire en sorte que leurs ressources soient consacrées à des fins de bienfaisance, plutôt que sur le contrôle continu des activités opérationnelles. Elle offre à l’Agence du revenu du Canada un cadre de travail fiable garantissant que les fonds et les ressources généreront rapidement des bénéfices tout en protégeant l’aide fiscale que reçoivent les organismes de bienfaisance.

Je tiens à être parfaitement claire, et je souhaite ardemment finir mon discours avant 16 heures. La reddition de comptes pour l’argent exempté de l’impôt est primordiale. Les organismes caritatifs feront pleinement preuve de diligence raisonnable dès le départ. Les organisations non caritatives devront pleinement rendre des comptes. Une fois ces accords terminés, les organisations non caritatives feront rapport aux organismes de bienfaisance sur la manière dont l’argent a été dépensé, mais l’organisation non caritative ne sera pas contrôlée par l’organisme de bienfaisance. La gestion du projet revient à l’organisation non caritative.

Je citerai une fois de plus le sénateur Plett, qui a su exprimer l’essentiel de manière succincte :

Grâce à la modification de la Loi de l’impôt sur le revenu, nous ferons en sorte que le cadre fourni soit meilleur, qu’il soit semblable aux exigences réglementaires d’autres pays, et qu’il permette d’accroître l’efficience, l’efficacité et la cohérence du secteur caritatif canadien [...]

Si le libellé de la Loi de l’impôt change grâce à la modification proposée, l’ARC changera ses directives. L’ARC pourrait procéder à des consultations en vue de demander aux organismes de bienfaisance de répondre, pour leur rapport annuel, à une simple question : quelle somme avez-vous dépensée auprès de donataires non reconnus? La réponse servirait de signal.

Certains m’ont demandé si cette loi allait permettre d’empêcher que l’argent des dons de bienfaisance ne tombe entre les mains de personnes malhonnêtes ou malveillantes, en particulier celles qui mènent des activités terroristes. Ma réponse est un « non » catégorique. Je vais vous expliquer pourquoi. Premièrement, il est rare que des organismes de bienfaisance malhonnêtes financent des activités terroristes. Seulement 8 des 85 000 organismes de bienfaisance ont vu leur statut d’organisme de bienfaisance révoqué au cours des deux dernières décennies. Ensuite, le Code criminel du Canada inclut des dispositions législatives antiterroristes, et il existe des institutions comme la GRC, le SCRS, le CANAFE et le Groupe des cinq. Par ailleurs, la partie 6 de la Loi antiterroriste décrit certains processus, dont celui de révocation de l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance s’il met, directement ou indirectement, ses ressources à la disposition d’une entité terroriste inscrite. De plus, la loi d’exécution du budget adoptée en juin dernier a fourni au gouvernement des outils additionnels pour s’attaquer aux organismes de bienfaisance malhonnêtes. Les mesures que nous avons approuvées dans cette loi permettent au ministre du Revenu national de révoquer immédiatement l’enregistrement d’une œuvre de bienfaisance dès qu’elle figure sur la liste des entités terroristes, sans passer par un processus judiciaire.

Honorables sénateurs, j’aimerais terminer en parlant de ce qui se fait ailleurs. Force est d’admettre que le niveau de contrôle opérationnel exercé par le Canada est pour ainsi dire sans pareil. Les États-Unis, qui disposent du régime le plus axé sur la sécurité de toute la planète, ont adopté un modèle semblable et ils utilisent le vocabulaire de la comptabilité des dépenses. Ici, nous utilisons plutôt celui de la comptabilité des ressources. Aux États-Unis, les fondations peuvent offrir des bourses, pourvu qu’elles rendent compte de leurs dépenses. Au Royaume-Uni, les organismes de bienfaisance peuvent transférer des fonds à leurs partenaires étrangers, à condition que ces fonds servent exclusivement à des fins de bienfaisance au Royaume-Uni même. C’est précisément ce que propose le projet de loi. En Australie, les organismes caritatifs doivent gérer leurs activités et leurs ressources étrangères de manière appropriée.

En terminant, j’aimerais revenir sur le rôle qu’ont joué les organismes de bienfaisance aux heures les plus sombres de la crise de la COVID. Ce sont eux qui étaient aux premières lignes et qui offraient des services aux Canadiens — et je parle ici de services essentiels, comme les banques alimentaires, les refuges et les consultations en santé mentale. Plus tôt cette année, le secteur de la bienfaisance étant dans une situation désespérée, il a prié le gouvernement de retirer les dispositions portant sur la nature des activités ainsi que sur la direction et le contrôle afin qu’ils puissent venir en aide rapidement aux personnes dans le besoin. Leur appel à l’aide n’a hélas pas été entendu. Il est plus que temps, honorables sénateurs, de remédier à la situation. Ne compliquons pas inutilement la vie de ceux qui veulent faire le bien autour d’eux, d’autant plus que le Canada a besoin d’un secteur de la bienfaisance en bonne santé. Les organismes caritatifs ne devraient pas avoir les mains liées de la sorte. Je vous prie donc de renvoyer ce texte le plus rapidement possible au comité. Je vous remercie.

L’honorable Terry M. Mercer : Votre Honneur, j’avais l’intention de demander l’ajournement du débat, mais je vois que la sénatrice Lankin a une question. Je voudrais présenter cette demande après sa question, si possible.

Son Honneur le Président : Il reste deux minutes, sénatrice Lankin. Préférez-vous attendre que l’article soit appelé de nouveau ou voulez-vous vous aventurer à poser une question dans ces deux minutes?

L’honorable Frances Lankin : Je vais attendre. Merci, Votre Honneur.

Le sénateur Mercer : Je propose donc l’ajournement du débat.

Son Honneur le Président : En fait, sénateur Mercer, si vous proposez l’ajournement tout de suite, la sénatrice Lankin ne pourra pas poser sa question à la sénatrice Omidvar la prochaine fois que l’article sera appelé. Je suggère que nous en restions là pour que, lorsque l’article sera rappelé, la sénatrice Omidvar puisse utiliser le temps de parole qu’il lui reste, ce qui permettra à la sénatrice Lankin de poser sa question.

Le sénateur Mercer : Votre Honneur, je suis d’accord. Je veux aussi entendre ce que la sénatrice Lankin a à dire sur le sujet.

La sénatrice Lankin : Merci.

Son Honneur le Président : Merci beaucoup, sénateur Mercer.

(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe—Liste des sénateurs

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